Les 15 et 16 novembre dernier s’est tenue la 8ème édition des journées Poissons Migrateurs en Rhône-Méditerranée. Le Séminaire s’est déroulé à Montpellier, à l’Espace Capdeville mis à disposition par la Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée.
Comme précisé par Luc ROSSI, Président de MRM, lors de son discours de clôture du séminaire, « ce rendez-vous a été un succès tant sur le fond que sur la forme. Ces journées sont marquées par un record de participation, avec près de 150 personnes le premier jour et près de 120 le second jour. Les participants étaient issus de tous bords (Agences de l’Eau, gestionnaires des milieux aquatiques, GEMAPIens, collectivités piscicoles, services de l’état, Départements, Régions, hydroélectriciens, bureaux d’études…) ».
Les présentations ont laissé place à des échanges et débats très ouverts autour de sujets qui sont de plus en plus sources de conflits entre usagers et gestionnaires.
Les pressions sur les espèces sont multiples, il faut agir collectivement…
MRM a introduit les journées en présentant les indicateurs d’état des espèces, toujours alarmants en Rhône-Méditerranée, mais en soulignant l’importance de rester mobilisés pour inverser la tendance.
L’évaluation de la cause du déclin des migrateurs sur la Loire présentée par le MNHN, montre que les pressions subies par les espèces sont multiples et parfois synergiques (par exemple, le dysfonctionnement d’une passe à poissons favorise la prédation par le silure).
L’optimisation du fonctionnement des dispositifs de franchissement existants via l’amélioration de l’attractivité ou en limitant la prédation par le silure au sein des passes à poissons sont des pistes qui ont été illustrées.
MRM a notamment montré le déficit d’attrait de la passe de Bladier-Ricard sur l’Hérault en marquant des aloses par pit Tag et en acoustiques. La manipulation de clapets mobiles peut être une solution opérationnelle pour améliorer la situation. Des investigations en ce sens seront prochainement conduites.
D’autre part, après une présentation par l’OFB de l’écologie générale du Silure, montrant que sa régulation ne semble pas être l’alpha et l’oméga dans la préservation des poissons migrateurs, CNR et SCIMABIO Interface ont abordé le cas concret de la passe à poissons de Donzère où l’on observe des comportements de sédentarisation du silure.
Le MNHN, grâce à son retour d’expérience sur l’évaluation des causes du déclin des amphihalins sur la Loire, a permis de conclure qu’il est indispensable de travailler de manière concertée et collégiale sur chaque pression pour lesquelles il est possible d’agir. Le dialogue entre acteurs est la clé de la réussite.
Des démarches concertées voient le jour en Rhône-Méditerranée comme les ateliers multi partenariaux animés par MRM dans le cadre de l’observatoire des poissons migrateurs Rhône-Méditerranée, le Groupe de travail Anguille Lagunes Rhône-Méditerranée présenté par la DREAL Auvergne Rhône-Alpes ou encore le Groupe de Travail Silure Rhône qui sera prochainement constitué.
L’Eau, c’est la vie… c’est valable pour les milieux….
Dans les sessions dédiées au changement climatique, l’Agence de l’Eau a montré que le Rhône n’est pas une ressource inépuisable et que les débits baisseront à l’horizon 2050 d’un ordre de grandeur de 20% et surtout en été. Les affluents seront les territoires les plus touchés.
La baisse des débits, le réchauffement des eaux et la gestion quantitative à l’échelle d’un bassin versant ont des répercussions sur la migration et la reproduction des amphihalins. EDF a montré comment les changements globaux ont modifié les conditions de migration sur la Loire et la Fédération de pêche de l’Aude a démontré que la baisse des débits conduit à la baisse de fonctionnalité de la frayère de Moussoulens sur l’Aude, axe à enjeu majeur pour l’Alose en Rhône-Méditerranée.
Les adaptations des territoires à la baisse des débits ont été présentées au travers d’exemples très contrastés : le cas de l’Arc, tributaire de l’étang de Berre dans les Bouches-du-Rhône où l’EPAGE MENELIK allie continuité écologique et Espaces de Bon Fonctionnement de la rivière, solution fondée sur la nature, en privilégiant la restauration de la connectivité latérale pour favoriser le rôle tampon des zones humides et de la ripisylve.
Sur la Durance, le SMAVD a présenté les nombreux usages à concilier (eau potable, tourisme, agriculture, hydroélectricité…), les outils de modélisation et d’aide à la décision qui seront utilisés pour le partage de la ressource en eau des années à venir et le rôle de la CLE Durance qui se doit de constituer une instance de concertation ouverte à l’ensemble des usagers et gestionnaires des milieux aquatiques.
Le cas d’une lagune, le Vaccarès, a été présenté par MRM avec un fort enjeu pour l’Anguille. Ce milieu a été historiquement isolé des crues du Rhône par des digues pour privilégier notamment le développement de la riziculture. Aujourd’hui, la lagune, dont la seule connexion à la mer est gérée par les ouvertures/fermetures de vannes sur le Grau de la Fourcade, fait face à la montée du niveau de la mer et à la salinisation des eaux. Le plan de Sauvegarde du Vaccarès avec l’augmentation des apports d’eau douce provenant du Rhône et l’agrandissement du Grau associé à la construction de passes à poissons sont les solutions engagées pour faire face au changement climatique.
Gestion d’une espèce en danger critique d’extinction : de la connaissance aux décisions politiques…
La deuxième journée a fait le focus sur l’Anguille, elle a permis aux participants d’en savoir plus sur les dernières connaissances scientifiques grâce à un voyage entre Açores et Mer des Sargasses, présenté par l’Agence de l’Environnement d’Angleterre qui a démontré le lieu de reproduction des anguilles. Le voyage s’est poursuivi en Camargue où la Tour du Valat étudie sur un canal de drainage, l’effet des conditions de vie des anguilles sur sa croissance.
Cette session sur l’Anguille a également permis à l’université de Perpignan d’aborder les liens entre connaissance scientifique (formulation d’avis scientifiques dans le cadre de la mise en place d’un plan de gestion Méditerranée pour 2025) et la règlementation (décisions politiques) sur la gestion des pêches tandis que l’OFB nous a éclairés sur la complexité des réseaux internationaux de trafics de civelles et l’adaptation des services de l’état qui mènent un travail de longue haleine pour les démanteler.
Enfin, l’agence de l’Environnement d’Angleterre a présenté les démarches permettant d’évaluer l’impact des pompages sur l’Anguille, sachant que sur le delta du Rhône et en Camargue, on trouve plusieurs centaines de stations de pompage.