L’anguille européenne (Anguilla anguilla) constitue l’une des 15 espèces représentées dans le genre Anguilla. Seul poisson migrateur à se reproduire en mer et grossir en eau douce, l’anguille européenne est aussi la seule représentante des anguillidés en Europe.
D’aspect serpentiforme, l’Anguille possède des petites nageoires pectorales et des nageoires dorsales soudées, allant de l’anus jusqu’au milieu du dos. Sa peau est recouverte d’un mucus abondant favorisant la reptation et de petites écailles incrustées. Sa couleur varie au cours de son développement. Transparente au stade de larve, elle devient brune avec le ventre jaune au stade adulte, puis argentée avant la migration vers la mer.
L’Anguille européenne est aujourd’hui classée en danger critique d’extinction au niveau mondial, du fait d’un effondrement de la population depuis 50 ans, avec une réduction globale des effectifs comptabilisés d’environ 90% par rapport aux années 1970. Cette espèce figure de fait sur la liste rouge de l’U.I.C.N.( Union internationale pour la conservation de la nature) qui recense les espèces menacées en France et dans le monde.
À l’inverse de l’Alose feinte de méditerranée ou de la Lamproie marine, l’anguille grandit en eau douce et descend les cours d’eau pour se reproduire en mer. On parle de migration catadrome.
Cette espèce amphihaline a un cycle de vie unique et encore mystérieux sur de nombreux points, a fortiori en région méditerranéenne. L’endroit exact de la reproduction n’est pas connu précisément, mais se localiserait dans la mer des Sargasses, au large de la Floride à plus de 6 000 km des côtes européennes.
A leur naissance, les anguilles ne ressemblent en rien à leurs parents. Ce sont des larves appelées leptocéphales (= tête plate) en forme de ruban. Elles sont donc aplaties latéralement, transparentes et mesurent environ 5mm. Portées par les courants chauds du Gulf Stream, elles dérivent vers les côtes européennes. La traversée (de plusieurs milliers de kilomètres) dure entre 7 à 9 mois au cours desquels elles se nourrissent de plancton.
À l’approche du plateau continental, elles prennent la forme de petites anguilles transparentes que l’on appelle civelles, ou pibales. Elles mesurent de 5 à 6 cm. Le stade civelle est le plus bref du cycle de vie de l’anguille. Pendant cette période de quelques semaines à quelques mois, la civelle ne s’alimente pas et n’est pas très active. Le recrutement estuarien commence à la fin de l’hiver et est généralement concentré sur environ 3 mois.
Lorsque la température est favorable (11-12°C environ), les civelles se pigmentent, commencent à se nourrir puis nagent activement. Les anguillettes continuent de migrer vers l’amont des bassins versants jusqu’à une taille d’environ 30 cm. Certaines se sédentarisent à l’aval des bassins versants tandis que d’autres colonisent l’ensemble des milieux aquatiques continentaux.
Le stade de l’anguille jaune correspond à la plus longue phase de la vie de l’anguille. Après quelques années, l’Anguille adopte un mode de vie principalement sédentaire. Ses déplacements se font essentiellement de nuit entre les zones de repos et de chasse.
Après une phase de croissance en rivière de 4 à 20 ans, lorsqu’elle a accumulé suffisamment de réserves, l’Anguille subit une seconde métamorphose (généralement à l’automne) : l’argenture, qui conduit vers l’acquisition de la maturité sexuelle.
Ses yeux grossissent pour se préparer à la vie marine obscure. Sa robe devient sombre sur le dos et argentée sur le ventre ce qui lui permet de mieux se confondre dans son environnement. Une ligne latérale sensitive ponctuée de taches noires apparaît.
Puis, à la faveur des premières crues, elle descend les cours d’eau pour accomplir son périple (4 à 6 mois) sur près de 6 000 km afin d’atteindre les sites de reproduction. Grâce à un important stock de graisse (20% de la masse corporelle), les mâles et les femelles jeûnent pendant la traversée.
© L.MADELON/FNPF
L’Anguille passe la majeure partie de sa vie dans les eaux continentales. Certaines anguilles choisissent de s’établir sur le littoral ou dans les eaux saumâtres alors que d’autres remontent les fleuves, parfois sur des milliers de kilomètres. On la rencontre dans des milieux aussi variés que les fleuves, les rivières, les lacs de plaine ou les eaux saumâtres des lagunes.
Poisson benthique*, elle s’abrite entre les cailloux et dans les anfractuosités du substrat (racines, branches, etc.). Elle se déplace sur le fond des cours d’eau et des plans d’eau et est capable de ramper sur divers substrats. Grâce à son abondant mucus et à sa cavité branchiale protégée de la déshydratation par un orifice branchial étroit, l’anguille peut survivre hors de l’eau ce qui permet de se déplacer d’un milieu aquatique ou humide à l’autre.
L’anguille est un prédateur. La recherche de nourriture est une priorité pendant sa phase de croissance dans les fleuves et rivières. Son régime alimentaire est très varié suivant la disponibilité des proies et le type de milieu colonisé (petits crustacés, mollusques bivalves, vers, larves d’insectes, petits poissons etc.). En milieu marin, elle consomme également des vers enfouis dans la vase.
L’anguille est une espèce opportuniste. Elle est présente aussi bien sur les fleuves côtiers que sur le bassin du Rhône ou sur les lagunes. On la retrouve parfois jusqu’à 1 000 mètres d’altitude.
Longtemps considérée comme nuisible, l’anguille est aujourd’hui en forte régression, en France comme sur l’ensemble de son aire de répartition. De nombreux facteurs sont à l’origine de cette diminution de la population (obstacles à la migration, surpêche, pollution, réduction des habitats, parasitisme…).
Si l’aire de répartition est assez répandue en Rhône-Méditerranée, il n’en demeure pas moins les densités d’anguilles sont en diminution ou au mieux en stagnation. Par ailleurs, depuis 2015 les indices de recrutement sont en diminution et on estime que le recrutement est au même niveau qu’il y a 10 ans alors que le recrutement européen était au plus bas.
L’état de l’espèce est donc inquiétant !
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